Une fin en apothéose
Suite aux péripéties de notre matinée à Nijni-Novgorod (voir article précédent), je décide d’abandonner Clément et Marianne dans cette ville pour rejoindre directement Souzdal. Je ne sais pas qu’à ce moment, leurs malheurs (et plus particulièrement ceux de Marianne) ne font que commencer. Après une entorse à notre règlement interne nous interdisant de prendre un autre moyen de transport que le train en Russie (les règles sont très strictes et ont été élaborées par Murray), je rejoins donc le magnifique petit village de Souzdal en bus (svp ne dites rien à Murray car la traversée de la Russie lui donne des idées pas très nettes : création d’un pays unique, nomination d’un président du monde représenté par sa personne, mise en place d’un « VISA Goulag » etc etc…). Après avoir vu une partie de mon ticket gentiment payé par mon voisin, et avoir suivi ses conseils, je débarque à la faveur des derniers rayons du soleil dans cette sympathique bourgade. Les méandres de la rivière, les prairies couvertes de fleurs et les coupoles festonnant à l’horizon confèrent en effet à cette capitale médiévale une atmosphère de contes de fées.
Je décide le lendemain de ne pas attendre Clément et Marianne pour partir à la découverte des environs, car les prévisions météo ne sont pas des plus enthousiasmantes pour les jours à venir. Je pars donc de bonne heure vers le Kremlin du village. Fondée en 1024 et sous domination moscovite à partir de la fin du XIVe siècle, Souzdal fut autrefois un centre monastique prospère qui connut un essor fulgurant sous les règnes de Vassili III et d’Ivan le Terrible. A la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle, les riches marchands de la ville payèrent la construction des 30 églises qui ornent toujours la ville.
Outre un musée intéressant, le Kremlin renferme également la principale cathédrale de la ville reconnaissable à ses coupoles bleues pailletées d’or. Malheureusement en travaux, celle-ci ne dévoilera pas tous ses secrets de beauté.
Je continue ma visite par un tour au musée à ciel ouvert de l’architecture en bois et de la vie paysanne donnant un aperçu de la vie que menaient autrefois les paysans de la région, ainsi que les techniques de construction ancestrales.
Après une petite pause « lecture au soleil », je visite le monastère du sauveur Saint-Eurythme fondé au XIVe siècle pour protéger l’entrée nord de la ville. Cet imposant monastère abrite notamment la majestueuse cathédrale de la-Transfiguration-du-Sauveur surmontée de 7 coupoles.
Chaque bâtiment de ce monastère renferme une exposition différente, et il me faudra plusieurs heures pour en achever la visite.
Sur le chemin du retour, je m’arête au couvent de l’Intercession fondé en 1364, et ayant servi de lieu d’exil aux épouses répudiées des tsars. Parmi elles, Solomonia Sabourova, première femme de Vassili III, fut envoyée ici dans les années 1520 en raison de sa stérilité supposée. Lorsqu’elle tomba enfin enceinte, il était trop tard pour éviter le divorce et elle donna naissance à un fils en ces murs. Craignant qu’il soit un rival dangereux pour les héritiers que pourrait engendrer la nouvelle femme de Vassili, Solomonia le fit adopter secrètement, prétendit qu’il était mort et organisa de fausses funérailles. Elle eut sans doute raison car la seconde femme de Vassili lui donna effectivement un fils : Ivan le terrible.
La légende reçut confirmation en 1934 lorsque des archéologues ouvrirent une petite tombe du XVIe siècle située à côté de celle de Solomonia dans la crypte aménagée sous la cathédrale. Ils y trouvèrent une chemise de soie ornée de perles et rembourrée de chiffons, mais aucuns ossements.
De retour à l’hôtel, je retrouve Clément et Marianne qui me racontent alors leurs péripéties des 2 derniers jours autour d’un excellent repas.
Finalement le temps se montre Clément, et leur permet de visiter Souzdal le lendemain, tandis que je me laisse tenter par une journée « glande atomique ». Je ne rentrerais pas dans les détails de leur visite puisqu’ils ont fait exactement le même tour dans le désordre.
Cette petite escapade dans ce village de 12 000 habitants nous aura en tout cas charmée : chaque coin de rue ou presque possède une jolie petite église, et la campagne vallonnée et plaisante qui entoure ce petit paradis est idéale pour se ressourcer le corps et l’esprit.
Nous atteignons Moscou à 3 jours du terme de notre périple et partons le lendemain à sa rencontre. Notre premier point de chute est la Stalinienne cathédrale du Christ-Sauveur. Pour cause, elle occupe l’emplacement d’une ancienne église du même nom édifiée entre 1839 et 1883 pour commémorer la victoire des troupes russes sur Napoléon, mais finalement détruite par Staline qui prévoyait de la remplacer par un « palais des Soviets » de 315 mètres de hauteur et une statue de Lénine haute de 100 mètre (rien que ça!!!). Le projet ne vit jamais le jour et pendant 50 ans, le site a accueilli la plus grande piscine du monde.
En voyage depuis 10 mois, nous sommes habitués aux visites, et notamment aux contraintes accompagnant certaines visites de lieux Saints (pour nos lecteurs les plus avides, vous vous souvenez peut-être de notre « loupé » au Grand Palais de Bangkok). En touristes éclairés, nous sommes donc tous les trois vêtus de pantalons, et Marianne a emporté un foulard pour se couvrir la tête…
Et bien pas du tout : je suis en short et Marianne aussi (la photo est trompeuse car Murray dispose en réalité d’un pantalon convertible). Nous ne pouvons donc pas visiter la cathédrale, et en parcourant d’un œil notre guide, on découvre que les visites au Kremlin sont interdites avec un short. Well done John!!! Notre programme tombant à l’eau, on décide quand même de faire un tour sur la place rouge pour y admirer le mausolée de Lénine (à priori ridicule comparé à celui d’Ho Chi Minh, selon Clément et Marianne), et la cathédrale Basile le Bienheureux, symbole de Moscou.
L’après-midi, nous déambulons dans les rues du vieux Moscou pendant plusieurs heures.
Nous visitons finalement le Kremlin le lendemain en crevant de chaud sous nos pantalons, et nous découvrons que la plupart des gens sont vêtus de shorts..Ahahah.. Le lieu est emprunt d’histoire et après avoir fait un tour dans les nombreuses églises de l’enceinte, nous décidons d’aller au musée de l’armurerie renfermant divers objets ayant appartenus aux tsars russes (pas de photos car celles-ci sont interdites à l’intérieur). Nous restons notamment pantois devant la collection d’armes de différentes époques (épées, pistolets, fusils etc…) toutes plus belles les unes que les autres, ou encore la collection de carrosses royaux.
Nous découvrons aussi la plus grosse cloche du monde (la Tsar Kolokol III) coulée en 1733, mesurant 6 mètres de haut, pesant environ 180 tonnes et dans laquelle 40 hommes peuvent tenir debout. Elle s’est fissurée lors d’un incendie, et un morceau de 12 tonnes s’en est détaché. Une belle pièce en somme, seulement celle-ci n’a jamais sonné. Tout comme le « Tsar Pouchka », un canon gigantesque fondu en 1586, mais qui n’a jamais tiré un seul boulet. En même temps faut voir la taille des boulets.
Pour se réfugier de la pluie (mais aussi parce qu’on adore les musées), nous visitons le musée d’histoire du pays situé sur la place rouge. Malheureusement, la partie nous intéressant le plus (le communisme) n’y est pas présentée, bizarrement. Selon l’accueil, l’histoire s’arrête donc en 1917. Dommage, on aurait bien aimé en savoir davantage. Cette visite sera quand même l’occasion de voir le lit de camp personnel de Napoléon pendant la campagne de Russie, ainsi que divers objets tels que la toute première légion d’honneur de l’histoire, qu’il s’était attribué (pas folle la guêpe). Le bâtiment abritant ce musée est cependant impressionnant à lui tout seul.
On s’envole finalement vers Londres le lendemain pour un dernier stop avant l’arrivée à Nantes le 1er Juillet. C’est l’été, il fait beau et nous avons le droit à une grosse soirée d’accueil surprise avec les amis et la famille. On ne pouvait rêver mieux.
Petite anecdote : nos sacs se seront finalement fait la malle entre Londres et Nantes. Après 10 mois de voyage autour du monde ils auront enfin atteint leur but. Heureusement que cela n’arrive qu’à ce moment du périple et c’en est même plutôt marrant. Surtout qu’en montant dans l’avion à Londres, ils étaient dans un container au pied de la soute, n’attendant que d’être chargés. Merci Air France… Finalement le voyage se termine comme il avait commencé : avec un problème d’avion. La boucle est bouclée.
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